LE FIGARO. – Contrairement à Theresa May, Boris Johnson a toujours menacé l’Europe d’un Brexit sans accord en cas d’échec des négociations. Est-ce une bonne méthode de négociation?

Vincent EURIEULT. – C’est malin. Avec sa position qui consiste à dire qu’il pourrait déclencher un «no deal», la date limite du 31 octobre, décidée en avril dernier quand il n’était pas encore premier ministre, prend une dimension beaucoup plus forte. Mieux que Theresa May, Boris Johnson peut ainsi mettre la pression sur l’Europe. Mais c’est à double tranchant car Bruxelles, à la fin, acceptera ou non un deal. D’où le fait que tout se joue au dernier moment, dans l’urgence.

Certains observateurs ont fait le parallèle avec un grand classique de la théorie des jeux, le jeu dit de la «poule mouillée»…

Il y a de ça en effet. Deux automobilistes se lancent l’un vers l’autre. Celui qui se maintient le plus longtemps sans dévier l’emporte. Dans ce jeu, il y a une prime donnée à celui qui joue au «dur». S’il parvient à être crédible, l’autre peut être tenté de donner un coup de volant. En disant qu’il préfère «mourir» plutôt que de demander un report, Boris Johnson fait un peu cela.

Pour un automobiliste téméraire, l’une des méthodes, certes risquée, est de jeter son volant par la fenêtre, mais ostensiblement pour que l’autre aperçoive le geste…

C’est effectivement une réponse possible, mais je ne crois pas que Boris Johnson puisse jeter son volant par la fenêtre. Une autre attitude assez proche consiste à feindre l’irrationalité pour faire reculer l’ennemi. C’est la «théorie du fou» utilisée par le président Richard Nixon pendant la guerre du Vietnam. D’excellents négociateurs parviennent effectivement à rester imprévisibles jusqu’au bout, à garder cachés leurs objectifs. Boris Johnson essaie de jouer cette partition. Peut-être y arrive-t-il un peu, mais pas totalement car il ne parvient pas à dissimuler son objectif premier: conserver le pouvoir.

Avec ses accents churchilliens, Boris Johnson pourrait écrire a posteriori la façon dont il a réussi le Brexit.

Que voulez-vous dire?

Lorsque l’on négocie, l’un des enjeux les plus importants est de savoir quels sont les objectifs de l’autre partie. Par le passé, il a révélé qu’il voulait déjà, enfant, être «roi du monde». En 2016, lors du référendum, il a hésité jusqu’au dernier moment entre le «Leave» et le «Remain». C’était avant tout un pari électoral: quel vote allait lui permettre de prendre le pouvoir? Toute sa carrière politique est dictée par l’impératif de devenir, et aujourd’hui de rester, premier ministre. Cela signifie-t-il qu’il ne veut pas vraiment que le Brexit se réalise? Non. Simplement, ce n’est pas un but en soi, mais davantage un moyen en vue du vrai objectif: conserver le pouvoir le plus longtemps possible.

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